Ouvriers italiens et polonais du bassin minier, travailleurs algériens, marocains et chinois, touristes hollandais, nomades et vagabonds sont autant de figures de l’étranger qui traversent l’histoire de la prison d’Autun.

En partant des traces qu’il nous reste dans les registres d’écrou, nous voudrions interroger la manière dont la prison participe à la fabrique sociale et politique de l’autre, de formes d’altérité. Alors que la sociologie a démontré avec force que le rapport entre immigration et délinquance est une construction médiatico-politique dénuée de fondement, il apparaît néanmoins que l’étranger, sous ses multiples incarnations, renvoie à une forme d’insaisissabilité vécue par l’Etat avant tout comme une menace. 

Le vagabond, celui que l’on appellerait aujourd’hui l’immigré, le nomade : celui qui n’est pas dans son pays, ou celui qui n’a pas de pays. La figure de l’étranger jette le trouble, interroge, déstabilise, étend les frontières des mondes en même temps qu’elle les incarne.  On enfermait à Autun des étrangers, parfois pour de motifs de droit commun, parfois seulement parce qu’ils étaient étrangers en voie d’être expulsés. 

Une pratique de l’enfermement des étrangers qui se perpétue aujourd’hui et qui, depuis l’institutionnalisation au début des années 1980 des centres de rétention administrative, tend à s’étendre et se durcir inlassablement. Plusieurs dizaines de milliers d’étrangers placés en situation irrégulière, dont des enfants parfois en bas âge,  sont enfermés chaque année dans des conditions déplorables et dégradantes pour une durée pouvant être étendue aujourd’hui jusqu’à 90 jours. 

Ce nouveau week-end Déprisonner sera alors l’occasion de regarder ce que les archives de la prison d’Autun nous disent des figures multiples de l’étranger que l’on retrouve dans l’histoire de l’immigration locale dans les territoires qui s’étendent du bas-Morvan au bassin industriel du Creusot. Il s’agira en même temps de rendre visible les conditions actuelles d’enfermement des étrangers en France à partir des luttes menées par celles et ceux qui le subissent au quotidien.

Théophile Lavault, Octobre 2021